Article rédigé par Meriyem KOKAINA
“Fidèle au testament de Bismarck, Congo Inc. fut plus récemment désigné comme le pourvoyeur attitré de la mondialisation, chargé de livrer les minerais stratégiques pour la conquête de l’espace, la fabrication d’armements sophistiqués, l’industrie pétrolière, la production de matériel télécommunication high-tech“.
La mondialisation, ce "grand mot" ou "gros mot" ? Dans le coeur de la forêt congolaise, chacun le défini à sa manière.. car oui, la mondialisation a atteint les endroits les plus intimes de ce globe.
Isookanga, jeune Ekonga, un peuple de pygmées, en a assez de se prendre les pieds dans les basses branches de la forêts, d’entendre ces cris de singes et d’oiseaux qui ne le laissent plus réfléchir … et cette culotte en écorce battue qu’il porte pour chasser les chenilles. Lui, en a assez de ce mode de vie !
©Renaud Barret
“Pourquoi ne pas vivre avec son temps et aller de l’avant bon sang “
Isookanga ne pense qu'à une chose : vivre la mondialisation en son coeur, dans la ville. C'est cela l’avenir, c'est cela le futur. Il ne tarde cependant pas à se confronter à son oncle, chef de la tribu, qui essaie par tout les moyens de le persuader de ne pas abandonner la coutume.
“Que crois-tu apprendre avec toutes ces choses que tu appelles modernes ? Ceux qui parle de modernité veulent nous éliminer.”
Mais Isookanga n’a que faire des dires du vieux, il n'a en tête qu'une chose: accéder à la mondialisation.
“Je suis un mondialiste qui aspire à devenir mondialisateur”.
Décision prise, il prend la route pour Kinshasa. Après un long périple, il arrive au coeur de la fameuse artère, l’avenue principale de cette ville-monde, l'avenue de la libération à Kinshasa. Enfin, il était au coeur de la mondialisation.
“Regarde comment la vie devrait être, s'écria Isookanga en désignant un calendrier des établissements Ekanga Kutu représentant une vie nocturne du boulevard du 30-juin à Kinshasa. Regarde-moi toutes ces voitures et encore ce n'est pas ce qu'on appelle un embouteillage, tu verras ça c'est fabuleux. Les lumières rouges que tu vois seraient plus nombreuse, plus brillantes ! Je ne supporte plus l'obscurité ni cet obscurantisme qui règne ici”.
Voulant se faire passer pour son ami Bwale, qui a un oncle dans la grande ville, il se fait rapidement chassé par la femme de ce dernier qui comprend le subterfuge. Il ne lui reste plus comme alternative que le "Grand marché" comme abri pour y passer la nuit; courte nuit car il sera perturbé par les shégués, enfants des rues, qui bouillonnent dans la ville de Kinshasa.
A travers les histoires des shégués, au nombre de 20 000 dans le chaos de cette ville, un triste de tableau qui dépeint les profonds troubles de la RDC.
©Renaud Barret
"Ils vibrionnaient dans la ville, invisibles comme des microbes sur un tissu gangrené de longue date."
Parmi eux, celle qui prit la défense de Isookanga, Sasha la Jactance. Elle débarquait d’un village au Kivu où elle vit ses parents se faire tuer de la pire façon. Ces yeux avaient vu l’atrocité du monde, la part la plus sombre de l’humanité.
“Le père était couché en chien de fusil, le visage couvert des deux mains. Ses avant-bras était tailladés et sa tête avait été ouverte à la machette. [...]. Un peu plus loin elle avait reconnu sa mère au pagne qu'on avait jeté sur sa poitrine. Du milieu de ses cuisses largement écartées émergeait, obscène , ce que la jeune fille avait reconnu pour être un gros morceau de bois."
Elle n’avait d’autre choix que de prendre la fuite avec ses frères, dont un trouva la mort et l'autre, prénommé Trésor, avait pu survivre. Ensemble, il débarquèrent dans le trou noir que sera Kinshasa. Maintenant que la vie avait souhaité les garder parmi elle, ils n’avaient de choix que de survivre. Mais les options réduites et son jeune frère encore en âge de jouer, la responsabilité de survie était entre ses mains. Elle, n’avait d’autre choix que d’être le jouet d’hommes matures, elle, à peine sortie de l’enfance. Elle donnait sa chaire d’enfant aux hommes de la ville, et ceux venu d’autres pays et institutions prétendant protéger et faire régner l’ordre au Congo. Son client le plus régulier, étant un agent de la MONUCC (mission de l'ONU pour la consolidation du Congo).
Quant à Mogodo, c'était un enfant-sorcier rejeté par ses parents. Malgré ses mots et idées incompréhensibles, il retrouva une nouvelle famille, celle des shégués.
©Renaud Barret
“Mogodo était un enfant-sorcier, avant. Il faisait peur à tout le monde chez lui. Ses parents l'ont emmené chez le pasteur qui lui a fait répéter quelques-unes de ces phrases favorites. Il les a prononcées devant eux, sans se méfier. Le type et ses diacres ont décrété que Modogo était possédé au dernier degré."
Le second grand rendez-vous avec la mondialisation pour Isookanga sera sa rencontre avec Zhang Zia, un chinois du Sichuan à qui on a fait miroiter le rêve africain. Pour beaucoup de Chinois, l’Afrique était un terrain de jeu où tout business pouvait être lucratif. L’Afrique avait la matière, eux la technologie et les industries pour créer des produits manufacturés à destination de l’occident et du monde mondialisé. Cependant, pour Zhang Zia, le rêve était devenu un cauchemar, car lui aussi ne trouva que la rue pour refuge.
Il y avait aussi Omari Double lame, un ancien enfant soldat qui avait déserté le champs de bataille. Un jour, le caporal Zemba le reconnaissant dans les rues, voulant le rattraper, saisit son arme et tira sur le jeune adolescent. Cela en était trop pour les shégués. Tous pleuraient sa mort et vous ne voulaient qu'une chose le venger.
©Renaud Barret
“Omari, est ce bien vrai ? Ce pays mange donc ses propres enfants sans laisser une seule chance de survie, dans la solitude, sans papa, sans maman ?”
L’heure de la fronde sonnait ! Les Shégués se révoltèrent, mettant en otage deux militaires et le caporal Zemba en otage. La PIR, police d’intervention rapide ne tarda pas à arriver. Mais les médias plus rapides, avaient déjà couvert l'événement. Isookanga est nommé représentant des shégués et fait liste de leurs revendications :
“ Prise en charge des funérailles d’Omari, dédommagement financier pour cette perte, ouverture de centres d'accueil et formation professionnelle pour les shégués, amnistie générale” .
Car finalement, les shégués voulaient surtout qu’on leur donne les moyens de se construire un avenir et d’être des citoyens dignes.
L’autre réalité de Kinshasa se dessine à travers ces anciens chef sde guerre reconvertis en lisses fonctionnaires infiltrés dans l’administration du pays. Kiro Bizimugu dit commandant Kobra Zulu en est le parfait exemple. Après avoir commis les pires atrocités au Kivu on lui avait donné un poste à l’Office de préservation du parc national de Salonga. Lui, n’avait qu’une idée en tête : s’enrichir via le trafic de ressources, la guerre facilitant l'extraction anarchique de minerais... Pour le commandant, devenir riche n’était pas possible sans faire couler le sang.
“Contrôler une région, c’était également faire main basse sur des taxes, sur une main d’oeuvre à exploiter, sur les femmes dont ses hommes avaient besoin, et sur le sang, denrée que l’on pouvait faire couler en gage de soumission totale.”
Adeïto Kalsayi était la femme de Kiro Bizimugo, un victime de mutilations sexuelles qui pour on ne sait quelles raisons, s’est attaché à elle pour en faire son épouse.
Adeïto ayant connue violence physique et psychologique n’avait foi qu’aux églises évangélistes qui pullulaient dans la ville. Le désespoir ayant atteint son paroxysme, la foi était le seul exutoire d’une bonne partie de la population de Kinshasa. Le désespoir était le fond de commerce de ces églises où les pasteurs s'enrichissaient grâce à la misère qui touchait le peuple.
©Renaud Barret
“Le pasteur était vêtu d'un costume gris sombre griffé Armani et d'une paire de J.M Weston noire avec boucle sur le côté”.
Sur cette terre que l’univers à chargé de richesse, un voile de misère. La justice a pris la tangente, laissant libre court à l’impunité dans un paysage où tout le monde est complice, institutions nationales et internationales.
L'ONU impuissante ou se laissant être impuissante s'accommodait de l’impunité devenue une règle pour traiter les dossiers concernant la RDC.
©Togo Diplomatie
“Depuis quelques années elle travaillait pour l'Organisation des Nations Unies, au Secrétariat de Maintien de la paix, et comme elle s’occupait du dossier du Kivu, l'impunité commençait à provoquer en elle de la nausée”
Tout le monde tire son épingle du jeu dans ces conflits. Il n’y a rien d‘idéologique ou de politique, il s'agit tout simplement de contrôler la plus grande réserve de matières première au monde, et que le meilleur l’emporte...