La résistance ou plus fort...la révolution ? Des mots qui viennent donner un souffle à nos envies de luttes contre l’injustice, contre le mensonge, dans l’espoir de s’élever, de protéger sa communauté voir l’humanité et l’environnement dans lequel elle évolue. Mais quelle lutte choisir pour changer un système qui impose son rythme et ses intérêts au détriment du respect de chacun?
Malheureusement, la lutte est loin d’être un long fleuve tranquille. Souvent, elle implique une mise en danger directe de ceux qui la pense et la mène, qu’elle soit physique ou morale.
Et, lorsque je repense à l'histoire, je me questionne aussi sur les raisons qui font que les changements profonds impliquent une quasi- systématique violence.
L’histoire du continent regorge de luttes et de résistance violentes et non-violentes dans une vive volonté de libération des peuples. Des millions de personnes ont été torturées, traumatisées, jusqu'à être assassinées par un système injuste de domination...Et pourtant, certaines n'ont pas hésité à faire de leur vie, le martyre symbole de l’équité, de la justice et de la liberté d’être. Comment expliquer cela aussi ?
La résistance se lie, souvent et malgré elle, à la violence. Savez-vous pourquoi ? Car l’entité ou du moins l’adversaire en face s’avère être fondamentalement violent. Triste nouvelle en effet, car la persuasion, la discussion n’est pas un argument assez puissant pour changer le monde. Vous l’aurez peut-être remarqué, vous avez beau faire les plus beaux discours humanistes, à eux seuls, ils traverseront peut-être les mémoires, mais que valent-ils s’ils ne viennent pas secouer les racines de l’oppression.
Le livre dont je souhaite vous parler aujourd’hui est un outil d’une rare puissance. Il a pour titre " Full Spectrum Resistance" et est composé de deux tomes écrits par Aric Mcbay, un activiste écologiste canadien. Il nous y livre une impeccable méthodologie et un manuel de pensée militante stratégique. En revenant sur l’histoire des mouvements qui ont marqué l’humanité et grâce à sa fine analyse, il nous relève les dessous des organisations complexes qui les ont portées, et qui ont pendant des années ont usé de multiples méthodes pour pouvoir atteindre leurs objectifs et nous offrir aujourd’hui, un monde un peu plus libre. Cependant, la lutte est loin d’être terminée.
Lire ce livre a été une révélation, tant il m’a éclairé sur l’état du monde dans lequel nous vivons et sur les rouages du système expansionniste et dominant sur lequel il est fondé. Profondément capitaliste, il ne porte en lui aucune once d’humanisme ou de respect pour le vivant.
Revenir sur ces épisodes déchirants, mais avec une vision méthodologique a été un merveilleux appel à l’éveil historique, politique et économique.
Pour en revenir au livre, Aric McBay nous rappelle, dans un premier temps, les fondements des écosystèmes politiques prédominants aujourd’hui. En effet, il indique que les Etats dits démocratiques dans lesquels nous vivons sont des “produits des entreprises coloniales et des relations sociales et économiques quelles ont instauré”.
Analyse très intéressante, à laquelle il ajoute que “la culture dominante se fonde sur la surconsommation et le mythe de la croissance infinie”(...) et qu’ ”elle doit sans cesse s’étendre parce qu’elle épuise son propre territoire. Ce qui signifie qu’elle doit s’approprier les terres autres. “
De ce fait, les principes colonialistes sont au fondement du capitalisme actuel qui domine sur les Etats démocratiques qui prétendent nous en protéger. Cela révèle que ce sont les Etats qui sont au service des entreprises et donc du capitalisme. De plus, les exploitations de masse sont soutenues par l’Etat, car l’enrichissement permis par le capitalisme assure aux Etats deux éléments, le pouvoir et le privilège dont elle nous permet de bénéficier aux détriments de la destruction d’autres territoires.
Cela rejoint par exemple la gestion de la crise écologique. Pourquoi, sommes-nous peu sensibles à la destruction de l’environnement? Car elle ne touche pas directement nos territoires. En effet, nous faisons partie d’un système de pouvoir dans lequel nous bénéficions de la destruction du territoire de quelqu’un d’autre, et donc nous avons également le privilège de pouvoir ignorer totalement cet impact.
Dans un second temps, vient la description d’une série de mouvements qui ont changé le cours de l’histoire de leur nation voir du monde. Il évoque par exemple les Blacks Panthers, les Deacons for Defense ou encore la lutte contre l’apartheid avec Nelson Mandela et l’ANC, une organisation qui a utilisé toutes les tactiques possibles, en passant par la clandestinité avant de devenir un parti politique au pouvoir.
Il prend aussi comme exemple le mouvement de non-violence pour la libération de l’Inde mené par Gandhi, où il rappelle que “dans l’imaginaire populaire du monde occidental, la lutte pour l’indépendance de l’Inde est probablement l’exemple le plus célèbre d’une victoire obtenue par la non-violence. Mais ce n’est pas si simple. Il est vrai que Mohandas K. Gandhi fut à la tête de plusieurs grandes campagnes de non-violence. Cependant, des campagnes militantes ou armées contre les occupants britanniques se déroulèrent simultanément.”
Le débat n’étant pas dans le choix entre la violence, ou la violence mais dans l’élaboration d’une stratégie efficace issue de tactiques multiples qui se complètent.
Aric Mcbay ajoute aussi que “Le problème essentiel du mythe de la persuasion ne réside pas dans le pacifisme, mais dans la persuasion. On ne peut pas convaincre un dictateur, un sociopathe ou une entreprise par un argument moral ou par le pacifisme. Mais on ne peut pas non plus les convaincre par la violence. La frontière ne se situe pas entre la violence et la non-violence, mais entre l’ineficacié et l’éfficacité.”
Enfin, il ajoute que: “Le changement ne survient pas lorsque le coeur et l’esprit des puissants évoluent. Il se produit lorsque ces derniers n’ont plus d’autre choix de modifier leurs agissements ou lorsque leurs structures de pouvoir sont systématiquement démantelées. La tâche des résistants n’est pas d’amener les responsables à changer d’avis, mais de créer un mouvement capable d’exercer une force politique et économique, et de choisir les tactiques et stratégies qui le rendront efficace. “
Enfin, il décrit en détails comment structurer efficacement un mouvement de résistance en passant par le choix des actions, le recrutement des membres, leur formation, leur sécurité ou encore les diverses sources de financement assurant le développement et l’efficacité de leur lutte, tout en mettant en relief les facteurs organisationnels qui peuvent conduire à son succès ou à son échec.
À ce sujet, je souhaiterais particulièrement revenir sur deux éléments qui ont été apportés et que je trouve extrêmement pertinents, avec le premier comme facteur d’échec et le second comme facteur de réussite.
Le premier est le concept d’hostilité horizontale. L’auteur le définit comme suit:
“Ne parvenant pas à lutter contre ceux qui détiennent le pouvoir, les gens déversent leur colère et leur frustration les uns sur les autres. Il est beaucoup plus facile de se battre contre la personne assise à côté de vous que contre quelqu’un qui se trouve dans un parlement éloigné ou au siège social d’une entreprise.”
L’expression "hostilité horizontale" a été inventée par Florynce Kennedy, féminise intersectionnelle noire et organisatrice du mouvement des droits civiques, qui la définit comme "une colère mal dirigée qui devrait normalement se concentrer sur les causes extérieures de l’oppression".
Le second, facteur, cette fois de réussite, est la formation d’un réseau de leaders pour transmettre et organiser de manière intelligible la lutte. Il rappelle l’histoire d’Amilcar Cabral, qui me rappelle également le parcours du camerounais Ruben Um Nyombé ou de la malienne Aoua Keïta, qui ont sillonné leur pays de village en village pour transmettre et expliquer l’importance du mouvement de libération. Car la lutte concerne les masses et tous doivent se reconnaître dans le discours de lutte pour la liberté.
Au delà d’histoires et de mémoires, il est important d’avoir à ses côtés, des livres méthodologiques qui nous montrent les chemins parfois difficiles, mais non impossibles de la réussite. Et les deux tomes que nous proposent Aric McBay en sont de solides références. De plus, l’auteur grâce à des schémas, tableaux et graphiques synthétiques assure la clarté de tout le cheminement et la réflexion dans lesquels il nous invite à plonger.
Ainsi, je ne peux vous souhaiter qu’une bonne lecture, et vous donne rendez-vous dans un monde qui change.
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