Prendre le temps de lire
Des heures passant mot après mot, phrase après phrase, page après page, à imaginer accompagnée de mes sens et mes émotions, les histoires que ces piles de livres racontent. Sans me méprendre je sais que lire reste insuffisant, car il faut encore s’immiscer entre les lignes, juger de l’ironie, du sarcasme ou des non-dits qui voilent une intrigue qui ne se laisse pas facilement découvrir.
J'ai passé de longs moments assise sur un canapé, sur le sol, dans le métro ou dans une bibliothèque. J’ai côtoyé ce moment de solitude choisi, dans l’espoir de m'abreuver d'un savoir que je croyais disparu ou inexistant.
Lire aujourd’hui est une activité de pleine conscience. Sauf pour quelques chanceux, cela relève de l’effort de concentration et surtout de la rétention d’information.
La littérature, une passion ?
Beaucoup voient en moi une passionnée de littérature, une amoureuse de l’immobilité du corps au prix de l’élévation de l’esprit. M’excusant d’avance de casser ce mythe, je vous avoue, en toute transparence que je ne suis pas une passionnée de la littérature, c’est à dire de l’exercice de lecture, je suis d’abord une passionnée de la vérité, de la connaissance. Et cette passion ne peut souvent éclore qu’en acceptant de s’initier aux livres et donc à la littérature.
Il n’y a pas de méthode secrète pour aimer lire. Lire est une activité engageante, car évidemment elle demande plus d’énergie que de scroler un téléphone ou de visionner une vidéo sur YouTube ou un film sur Netflix. Je pense que l’on peut tous se mettre d’accord sur cela. Mais dans la lecture j’ai trouvé des réponses, je me suis posé plus de questions et j’ai appris à me reconstruire.
Lire est devenu mon salut, mon quotidien et les livres, mes meilleurs tuteurs. Dans chaque livre j’entends la voix de ceux qui l’on écrit, je ressens leur militantisme, leurs recherches, leurs désillusions ou leur fierté. J’entends ce message de transmission et je suis soulagée, pour moi, pour eux, pour nous tous, de savoir que leurs enseignements ont traversé les années, voir les siècles pour pouvoir partager quelque chose du monde avec moi.
Lire par devoir moral
Donc non, je ne lis pas par plaisir, je lis par militantisme, par devoir, par nécessité morale.
Je lis, car j’apprends à mon rythme, sans jugement, sans pression. J’apprends ce qui me plaît des personnes dont je choisis de connaître l’histoire. Des personnes pour qui j’ai beaucoup d’admiration, des personnes dont je me dois d’honorer l’héritage, ne serait-ce qu’en mémorisant quelques passages de leur pensée.
Je ne lis pas par plaisir, je lis par militantisme.
Je lis par militantisme, car l’heure est grave. L’histoire du continent a été rayée et que les grandes forêts de connaissances ont été brûlées, ne laissant que quelques racines parfois, que nous devons protéger et faire fleurir de nouveau.
J’achète les livres, car c’est la seule manière de garantir que ce savoir perdure. Combien de maisons d’éditions africaines se sont éteintes, combien de livres ne sont plus édités, combien de livres ont disparu du paysage littéraire ? Pouvons-nous encore nous permettre de rester indifférents à ce savoir qui s’évapore.
L'achat de livres: une condition nécessaire à leur préservation
J’achète des livres aux maisons d’éditions africaines encore existantes, mais qui peinent à exister. Terrible nouvelle, lorsque l'on sait qu’elles sont les seules à garantir le récit de nos imaginaires sans qu’il risque d’être altéré par une ligne éditoriale qui ne nous convient pas.
J’achète et stocke ces livres, par peur… car oui j’ai peur que tout tombe dans encore dans l’oubli… Je ne lis pas par plaisir, je lis par peur…
Je ne lis pas par plaisir, je lis par espoir.
Je lis par espoir de lire avec vous, de partager mon apprentissage, car je ne m’imaginais pas une seule seconde le garder pour moi. Je lis par espoir de pouvoir reconstituer nos imaginaires, de lever les tabous sur des complexes et mensonges qui nous désunissent au lieu de nous unir. Encore aujourd’hui, lire n’est possible que si je partage cette aventure de vie, pour sensibiliser le plus grand nombre à aimer et préserver une histoire qui ne doit Ô jamais se mourir.
Ne pas aimer lire n'est pas une tare, mais les livres seront là pour vous guider dans la pénombre et demeureront vos plus fidèles alliés dans les batailles d'idées.
Un livre pour une nouvelle vie
Je me rappelle encore, et je le dis sans honte, d’avoir acheté l’épopée de Soundiata, sans même savoir qui il était. J’ai eu mal, mal de me connaître si peu… Je l’ai lu une fois puis deux… C’est le premier livre d’une longue série qui j’espère ne se terminera pas de sitôt.
Je me souviens avoir rencontré Djibril Tamsir Niane, la gorge nouée, les yeux mouillés, lui disant qu’il avait à tout jamais changé ma vie…
Je ne lis pas par plaisir, je lis, car un livre a pu changer le courant de ma vie.
Rencontre avec Djibril Tamsir Niane, paix à son âme
"N’avez pas peur de ne pas aimer lire, ayez peur de ne pas avoir trouvé la force et le courage de chercher la vérité."