Article rédigé par Meriyem KOKAINA
L'être humain est le remède de son prochain.
La vie n’est que mouvements, des mouvements qui créent des interactions entre des éléments qui s’unissent puis se désunissent. Ces mouvements créent des vibrations positives comme négatives, mais in fine, leur objectif est de garder un équilibre certain, garanti par les lois de l’univers.
Ce sont ces mouvements que l’on peut ressentir à la lecture de ce court ouvrage d’Aminata Sow Fall. L’empire du mensonge nous décrit le destin de trois familles sénégalais d’un milieu plutôt modeste, mais pleines d’espoir de réussite, que la vie a unie autour d’une même cour. De cette union, un premier état d’équilibre assuré par un quotidien aux interactions joyeuses, aux discussions interminables, aux histoires d’un temps passé, aux débats bienveillants, aux peines aussi parfois. La richesse de ce foyer tient en ces vibrations sincères, mais aussi aux trois enfants qui y nourrissent la vie : Mignane, Boly et Sada, dont ce dernier, prend la narration de ce récit. Souvent, ces familles se rejoignent autour de cette cour où chacun laisse pure liberté à ses pensées les plus lointaines. Chaque discussion est source de philosophie, d’enseignement et surtout de distraction. Eh, pourtant, l’état d’équilibre apparaissant à son apogée, frôle les sensibles limites du paroxysme.
Malheureusement, cette cour, se fait victime des inondations qui touchent ce quartier modeste de la ville de Dakar. De l’union à la désunion des éléments, ce ne sont que les règles encore inexplorées de l’Univers…
Ces familles à faible revenu, n’ont d’autre choix que de quitter leur lieu de vie et de trouver refuge dans un autre endroit qui pourrait les accueillir. Chaque famille finit par retourner au village dans le souci d’assurer la scolarité de leurs jeunes enfants. La désunion des éléments est ainsi appliquée et les familles séparées.
Les années passent et l’univers applique clémence. Les familles finissent par se réunir grâce à l'œuvre du temps, à leur résilience, et comble du bonheur, grâce à la réussite de leurs enfants.
Chacun a eu "un parcours glorieux", malgré "la vie de misère" des parents.
Aminata Sow Fall nous livre le doux récit d’une société sénégalaise à la recherche de son équilibre, une société faite de courage face à l’adversité aléatoire et quotidienne à laquelle elle doit se confronter. En effet, elle mentionne aussi les vibrations négatives qui poussent le Sénégal vers la régression : l’argent, l’intérêt, le mensonge, le mépris, la haine, l’injustice, la paresse...
"L’argent, le maître absolu aujourd’hui", "la paresse, la tendance ici", "le manque d’estime de soi, le malheur suprême", "le mensonge politique, mensonge industriel, le style en vogue".
Oubliant et se détournant des vibrations positives nécessaires à l’amélioration et l’équilibre de la société sénégalaise :
"Les principes fondamentaux méthodiquement éprouvés, forgés et transmis pour façonner l’être humain dans le respect des valeurs cardinales qui garantissent le Jom ou dignité, l’honneur". Ceci, "sur le socle immuable de l’amour, de la tolérance, de la générosité et de la justice. Et surtout de l’humilité".
Elle finit par se questionner, nous questionner sur un monde qui retire de ses épaules, comme un vieil habit sale, les valeurs essentielles de l’humanité et de la vie en société :
"Où va le monde ? Plus de valeurs ! Degré zéro de l’Amour, ciment de la fraternité et de la paix. L’Humanité dépouillée de sa noblesse. Horreur ! Tous les moyens sont bons pour assouvir de bas instincts. À qui la faute ? (…)".
Enfin, elle n’oublie pas de faire un plaidoyer en faveur de l’éducation à travers le parcours scolaire et familial des enfants de ces trois familles. Bien que venant d’un milieu modeste, après acharnement, ils trouvent réussite, tant les garçons que les filles, insistant avec finesse sur l’importance de l’éducation de ces dernières, ayant fait le libre choix des filières qu’elles ont poursuivi. Elle insiste finalement sur le fait que l'éducation ne doit pas uniquement être vue au travers de la fenêtre de l’apprentissage scolaire, mais également une continuité des enseignements reçus au sein du foyer familial.
"L’éducation n’est pas simplement le fait de l’école", ajoutant qu’elle "est surtout façonnée à partir de la maison".
Un hymne à l'élévation morale des hommes et des femmes, du Sénégal, comme du monde. Un hymne universel auquel chacun pourrait trouver écho, où chacun peut se voir subir les travers d’un système social qui s’uniformise autour de valeurs plus éphémères et nocives que celle recherchées par l’être au fond de chacun de nous, nous qui sommes les éléments constituant un univers, qui se complexifie et qui peine de plus en plus à retrouver son équilibre. Un hymne à l’union du monde et à son retour aux sources.