Article rédigé par Mohamed Diaby
J’ai choisi de lire ce livre parce que je voulais savoir ce qu’était l’animisme. Bien qu’africain et ayant vécu une partie de ma vie en Guinée, cette religion/spiritualité m’était totalement inconnue.
C’est en m’intéressant récemment aux différentes religions/cultes/spiritualités du monde que j’en suis venu à me pencher sur l’animisme. Considérée par beaucoup comme la vraie religion africaine, il me fallait aller au-delà des préjugés pour comprendre réellement de quoi il en retournait.
J’ai donc opté pour ce livre comme initiation. Le dieu perdu dans l’herbe serait pour moi une porte d’entrée.
Issu d’une famille animiste mais élevé par des religieuses alsaciennes, Gaston-Paul Effa, l’auteur, quitte le Cameroun pour la France à quatorze ans. Son destin est de devenir prêtre. Mais son besoin de savoir qui il est, de comprendre le monde qui l’entoure, le pousse plus tard à entreprendre des études de théologie et de philosophie. Il deviendra par la suite professeur de philosophie.
Tiraillé par ses deux héritages, dont l’animisme est le plus lointain et le plus méconnu de lui, Gaston-Paul Effa souhaite renouer avec ses origines. C’est ainsi qu’il part à la rencontre de Tala, une femme pygmée.
A la lecture des premiers chapitres, on se rend très vite compte que le livre ne se veut pas théologique. L’animisme n’est pas présenté sous un angle religieux. Dans ce livre, l’accent est mis sur la spiritualité.
Ce qui est intéressant est que l’ouvrage est présenté sous la forme de multiples dialogues entre les deux protagonistes. Ceci permet au lecteur d’avoir un aperçu de cette philosophie, appliquée à différents sujets. Dieu, la raison, le bonheur, la beauté, la solidarité, la mort, sont notamment abordés.
A la question de savoir d’où vient l’homme, Tala répond :
“Ne te demande pas d’où tu viens, cela t’évitera de te demander où tu vas. À force de te poser ces questions, tu finis par te rendre malheureux car en fin de compte tu perds le chemin lui-même. C’est la vie qui doit te dire où tu vas, tes pieds te portent vers un chemin parallèle plus heureux à vivre car tu vas beaucoup plus loin que tu ne crois. Arrête donc de réfléchir. Vis.”
Au sujet de la raison :
“La raison recherche toujours le plus haut. En toute chose, cherche le plus bas. Apprends à résider sur Terre, à descendre dans les choses les plus basses, les plus simples. Alors tu t’élèveras et tu élèveras les autres. Ne cherche pas à t’échapper du monde, creuse-le. Regarde le silence. Et tu l’aimeras.”
Parallèlement à ces discussions, Tala nous fait également bénéficier des enseignements spirituels de l’animisme au travers de “consultations” sur des sujets du quotidien.
Une femme qui n’arrivait pas à perdre du poids malgré tous ces efforts vint voir Tala. Cette dernière lui recommande d’arrêter les régimes et de manger de tout mais en quantité raisonnable. Cette solution sera un succès. Et la raison avancée par Tala est particulièrement intéressante :
“Tant que cette femme pensait à son régime, elle ne pouvait pas perdre de poids. Le stress est tel que le corps se crispe et retient tout. L’angoisse de perdre envahit l’être, le perturbe, le désorganise et le corps, fidèle compagnon, retient alors tous les problèmes du quotidien qui deviennent une montagne. À partir du moment où cette femme s’est détendue en acceptant de tout manger, le corps vide sa mémoire, comme s’il s’éloignait des problèmes.”
A la question d’un autre individu qui souhaitait savoir comment réussir sa vie, Tala lui répond ceci :
“Dans chaque échec, cherche l’ouverture vers un succès… Et n’oublie pas que le succès ne se trouve pas toujours là où tu voudrais qu’il soit. La nature, elle, sait ce qu’il faut pour toi et où tu seras plus utile à toi et aux autres. La douleur, l’épreuve prennent tout à la fois la forme d’un questionnement et d’une réponse à l’énigme”
A travers Tala, nous sommes invités à penser autrement le monde. A penser autrement notre rapport à nous-même, aux autres, à la nature, aux animaux. Cette conception de l’animisme que nous propose Gaston-Paul Effa est donc davantage une philosophie de vie qu’une religion. Il s’agit de principes nous permettant de mieux comprendre notre place dans le monde, de comprendre comment interagir avec celui-ci et interpréter les signes. Nous sommes invités à une vie plus simple, plus connectée et moins matérialiste.
C’est un livre que je conseille à toute personne s’intéressant à la spiritualité africaine. Celle-ci est souvent recouverte de préjugés dévalorisant qui ne poussent pas à la recherche. Or, ces principes sont pour la plupart de véritables remèdes contre nos maladies modernes : le stress et la dépression.