J’ai décidé de poser mes valises pendant un mois au Cap Vert. Un mois seule dans un pays où je ne connais ni la langue ni la culture.
Je n’avais aucune attente vis-à-vis de ce voyage. Je n’avais aucun parcours en tête, aucun lieu à visiter, aucune personne à rencontrer en particulier. Je partais à l’aventure.
Un mois est passé et me voilà de retour. Après un mois, j’ai vu tant de choses, croisé tant de personnes, avec qui j’ai créé des souvenirs que je garderai à jamais dans mon cœur.
" Construire des rêves, inspirer des âmes "
C’est donc l’heure du bilan ! Et par quoi devrais-je commencer ? Les plages de sable blanc de Boa Vista, les montages et forêts luxuriantes de Santo Antao, ou le carnaval spontané de Mindelo ?
Je pourrais mais ce n’est pas mon fort la description, et tous ces paysages exceptionnels vous pourrez je l’espère un jour les voir de vos propres yeux ou au pire des cas, vous pourrez voir leurs images partout sur internet. - Je vous souhaite quand même la première option 😄 -.
Ce que je retiens de mon voyage en solo, c’est surtout ces rencontres, ces histoires de vies uniques qui ont croisé mon chemin. Et c’est ces quelques histoires que je vais vous raconter.
Mindelo, l’île aux âmes libres
Parmi les nombreuses destinations que j’avais prévu de visiter, Mindelo était un must. C’était la ville dont jaillissait passionnément la culture capverdienne. C’est dans les rues de Mindelo qu’est née Cesária Évora , ainsi que le carnaval. Dans cette ville bordée par le sable fin de ses plages d'eau turquoise, j’ai réservé une chambre dans une auberge dont les fonds étaient reversés à un refuge pour animaux abandonnés. Il était tenu par Silvia, une Italienne installée sur l’île depuis bientôt 20 ans. Traductrice de formation, elle était venue un jour sur cette île qui avait changé son destin.
Dans cette auberge, j’ai rencontré un couple de Belges qui s’adonnait à leur plaisir-passion: voyager . Elles voyageaient sans vraiment se soucier de l’avenir, même si leurs parents leur rappelaient de temps en temps d’y penser. Vivant en caravane, chez des amis ou chez leurs parents, le tout était d’être libre. Libre d’être, libre de vivre, libre de leurs choix. J’étais fascinée par une d’entre elles qui parlait - attention- : anglais, français, portugais et lingala couramment. Étant belge de parents Brésiliens-Congolais, elle était le fruit de plusieurs cultures, qui lui avait laissé en cadeau différentes langues avec lesquelles elle jonglait avec brio.
Elles avaient, comme projet, de rejoindre Kinshasa en van depuis Bruxelles. Entre-temps, elles économisaient pour pouvoir acheter un véhicule qui pourrait les accompagner dans cette aventure. Elles avaient hâte. J’avais hâte pour elles aussi. Elles vivaient au jour le jour, assumaient tous leurs choix et vivaient chaque jour au rythme de leur conviction, de leurs valeurs et de leur liberté.
Des âmes libres, qui, sans le savoir, ont éclairé mon chemin…
À pied, jusque Rome
L’âge de la retraite avait sonné, et celui du cancer aussi. C’était le chemin qui lui était destiné depuis 5 ans, date de l’annonce de la maladie. Depuis, il avait décidé de faire, du restant de sa vie, une aventure imprévisible. La première étape de sa nouvelle vie était de faire un pèlerinage à Rome à pied, avec comme seule compagnie, un sac à dos de 10 litres et Dieu. Très croyant, il remettait son destin au Seigneur. Il me racontait, le rire léger, que ses enfants avaient plusieurs fois essayé de l’hospitaliser, mais, à chaque fois, il trouvait le moyen de s’enfuir. Avant d’arriver à Rome, il avait du mal à marcher. À l'arrivée, ses deux jambes étaient ses meilleures alliées. Il y voyait le fruit d’un miracle. De Rome, il repartait pour le Portugal, toujours seul. Sur la route, il observait la nature, qu’il trouvait dénaturée par la modernité et surtout l’absence de plus en plus grande des animaux, chassés de leur habitat naturel. Ça l’attristait. Du Portugal, il avait pris un avion pour le Sénégal, puis pour le Cap-Vert. Il ne savait pas qu’elle était sa prochaine aventure…le tout était pour lui de vivre chaque jour comme si c’était le dernier.
— Le poids de notre sac équivaut au poids de nos peurs -
L’amour engagé de son identité
Edyoung était un des slammeurs les plus talentueux du Cap-Vert. Il avait participé à plusieurs compétitions internationales et donnait de la puissance à chacun des mots de ses textes. Edy m’avait beaucoup marqué, par son talent évidemment, mais surtout par son amour sans failles pour son identité, son africanité, et sa couleur de peau noire. Edy était un artiste, mais aussi un père de famille. Sans même s’en rendre compte et le plus naturellement du monde, il inculquait à ses enfants de magnifiques valeurs de confiance en soi et d’amour pour leur identité. Avec sa petite fille, ils allaient courir et terminaient leur entraînement en lui faisant répéter: " je suis forte, je suis belle"… J’étais fasciné par ce que ce jeune père faisait pour ses enfants et par les belles valeurs qu'il leur transmettait. Je retiens d’Edyoung son art, son dévouement, et l’âme amoureuse de la vie qu’il portait.
-The Blacker the cherry, the sweater the juice -
Solange ou l’art vivant
J’avais remarqué dès mon arrivée à tarrafal , un petit mur coloré où était écrit « Nos Kausa », suivi d’une phrase en créole qui disait « Spasu Kurltural Tarrafal ». J’avais donc deviné qu’il s’agissait d’un centre culturel local. Mon ami Adilson, de l’association littéraire de la ville, m’avait invité à en franchir les portes. Le centre était sur le point de fermer et sa responsable, Solange, était en train de passer le balai. Une jeune femme de parents capverdiens et bissau-guinéens, qui avait mis toute son âme dans ce projet. Le centre était magique, bordé de toiles, d’objets d’art et de peintures sur les murs. Tout était coloré et harmonieux.
Solange avait l’air passionnée par ce qu’elle faisait, mais quelque peu dépitée par le manque de considération des autorités quant à son projet. Seuls les volontaires et les dons de particuliers arrivaient à faire vivre ce centre. J’étais heureuse de la rencontrer, elle qui avait foi en l’art, la culture et son pays et qui donnait vie à ce que les âmes de sa ville exprimaient de plus beau par leur créativité naturelle.
Toutes ces histoires m’ont permis de comprendre que les chemins de vie sont multiples et que la fatalité n’est que la perception de nos propres peurs. Peut-être vous sentirez l’univers vous persécuter et vous martyriser, mais souvent, cela n’est que la perception de vos doutes, vos craintes et votre confiance en vous que les épreuves de la vie ont dû effriter. Toutes ces rencontres m’ont donné de plus en plus foi au destin et à la clémence de la vie. Quelle que soit la difficulté que vous traversez, sachez que toute chose a une fin, qu’elle soit bonne ou mauvaise. Lâchez du lest, faites confiance au destin, faites-vous confiance. La vie mérite d’être vécue et non subite. Posez vos yeux sur la nature, la forêt, la mer et la montagne, vous y verrez la beauté du monde. Contemplez-le et rendez-vous compte que vous en faites partie.
Je voudrais aussi remercier toutes les belles âmes qui ont croisé mon chemin, ou accepter de l'accueillir dans leur vie, pendant quelques minutes, quelques heures ou quelques jours. Merci à Isais, à Cuk, à Ellen, Herminia, Antonia, à Isa et à Adilson. Jamais je ne vous oublierai, vous serez toujours dans mes pensées.