Article écrit par Oumou Wele
Je sus dès cet instant que j'allais changer. Que je ne pourrais jamais tout à fait contrôler le feu qui brûlait en moi. Ce jour-là, je devins une créature différente, pas tout à fait humaine. Tout ce qui s'est passé par la suite a commencé à ce moment.
Elle s’appelle Onyesonwu, dont la traduction veut littéralement dire "Qui a peur de la mort". Elle n’est pas comme les autres, de par sa couleur de peau, couleur sable et de par sa conception: elle est issue d’un viol. Je devrais rajouter une dernière chose également : Elle est ewu (métisse) et eshu (peut-être en contact avec les esprits), faisant qu'en elle, vit, une puissance magique.
Nnedi Okorafor nous livre un récit palpitant sur une Afrique post apocalyptique imaginaire. On y découvre des peuples aux us et coutumes particulières, mais si familières pour les enfants du continent. Des paysages secs et arides tels que présents dans le désert, aux villes urbaines et structurées. Une civilisation avec ses systèmes politiques, académiques et économiques.
L’auteur nous propose un récit initiatique, où les personnages principaux sont des adolescents au destin exceptionnel. Entre rébellion contre les traditions patriarcales, quête d’identité, éveil amoureux et combat contre le mal, nous avons tous les ingrédients pour un roman réussi.
Onyesonwu est une jeune fille métisse, qui va passer par plusieurs étapes dans sa vie. De son enfance solitaire dans le désert avec sa maman, la nouvelle vie avec son papa, à la perte tragique de cet être qui représentait toute sa vie. Elle va également essayer de trouver sa place et faire partie d’une communauté, se livrant à des rites barbares et douloureux. Tout cela pour ressentir un sentiment d’appartenance. Et bien sûr, elle va découvrir le grand amour avec Mita, ewu lui aussi, sûr de lui et fier de ses origines.
La maman de Onyesonwu est également un personnage central dans l’histoire. Elle se bat pour rester en vie suite à son viol et élève sa fille issue de cette agression, avec tout l’amour d’une mère et ses connaissances mystiques. Très tôt, de par ses propres dons, elle comprend que sa fille n’est pas une enfant comme les autres : elle va changer la face du monde dans le but d'y faire régner la paix.
La scarification racontée dans le projet photographique de Joana Choumali
©Katherine Brooks
Nous avons également son professeur, Aro, qui évolue au fur et à mesure de l’intrigue. Il apparait comme un vieil homme têtu et sexiste qu'il ne souhaite pas transmettre ses connaissances mystiques à l’héroïne car c’est une femme. Avec persévérance, Onyesonwu n’abandonne pas et revient à la charge, sans discontinuer, au point de le faire céder. Il passe du statut d'ennemi à celui de maître, et enfin, il incarnera la figure paternelle disparue.
© Image: www.afrostylemag.com
Ce livre est une agréable surprise pour les lecteurs à la recherche d’une Afrique imaginaire, différente de ces Afriques tristes et misérables, dont le malheur semble toujours être présent ainsi que la pauvreté. Cette Afrique alternative est riche et organisée, pleine de savoirs et de culture.
Qui a peur de la mort est un roman de science-fiction paru en 2010. Il a remporté le prix World Fantasy du meilleur roman en 2011 ainsi que le prix Imaginales du meilleur roman étranger en 2014.